1. A combien s’élève le solde actuel (2015) des échanges entre l’UE et la Chine ?
L'Europe exporte en 2015 pour 165 milliards d'euros de marchandises vers la Chine, contre 302 milliards importés. Le déficit commercial avec la Chine, est donc de 302-165 = 137 milliards
2. Que fait actuellement l’UE pour endiguer les importations ? Sur quelle doctrine économique s'appuie t'elle (sans l'avouer) ?
L'Europe met en place 52 taxes « punitives sur des produits hypersubventionnés vendu en dessous de leur prix de revient». Le renchérissement de ces produits importés, limite alors leur diffusion en Europe. La mise en place de barrières douanières, est un élément important des doctrines protectionistes (qui s'opposent aux doctrines du libre échange).
3. Que risque t’il de se passer dans un proche avenir ?
Si la Chine obtient le statut d'économie de marché, l'Europe ne pourrait plus imposer de taxes douanières, destinées à protéger les producteurs locaux (notamment dans l'acier)
4. Quel est l'impact supposé pour l’emploi ?
Selon l'Economic policy institute, entre 1,7 et 3,5 millions d'emplois pourraient être supprimés en Europe, 183 000 à 370 000 rien qu'en France.
5. Pourquoi un tel impact sur l'emploi ?
Si les produits chinois à bas prix arrivent sur les marchés européens, les clients se détourneront de certains produits européens conduisant à la faillite des entreprises concernées (non compétitive), et donc à des suppressions d'emplois
6. Quel est l’argument des syndicats (confédération européenne des syndicats) qui s'opposent à une telle évolution du statut de la Chine ?
Les syndicats considèrent que la Chine représente une concurrence déloyale (distorsion), puisque d'une part l'Etat Chinois est très interventionniste (sous entendu, il accorde des aides et subventions aux entreprises chinoises qui disposent donc d'un avantage sur leurs concurrents européens), et d'autre part il y a absence de syndicats libres (avec négociation collective non libre). Le syndicaliste souligne ainsi à demi-mot que le niveau des salaires et des conditions de travail, est trop bas en Chine (ce qui donne un avantage compétitif aux entreprises chinoises : dumping social)
7. Quel est la menace de la Chine si elle n'obtient pas le statut d'économie de marché?
La Chine menace de rétorsions sous la forme d'une réduction des investissemnts directs (IDE) de la Chine en UE (ce qui entrainerait aussi des pertes d'emplois et de croissance potentielle)
1. L'entreprise francaise de jouet Joustra fabrique t'elle ces jouets en Chine ?
Comme le répète le reportage, Joustra fabriquait en Chine, mais ce n'est plus le cas, la production est rapatriée en France
2. Pourquoi une fabrication en Chine est apparemment moins coûteuse qu'une fabrication en France ?
En Chine, le coût de la main d'oeuvre est beaucoup moins élevé qu'en France, l'environnemment règlementaire est moins contraignant alors que le coût de transport supplémentaire est très faible
3. Quel est le secret de Joustra pour fabriquer en France à des coûts compétitifs ?
L'entreprise a automatisé, a modernisé ses machines, avec un investissement de 3 millions d'euros (robots, nouvelles presses...). Cela conduit à économiser de la main d'oeuvre. 3 opérateurs suffisent.
4. Pourquoi le coût de fabrication baisse t'il ?
Les robots coûtent au final moins cher que la main d'oeuvre
5. Quel est le profil des postes crées par Joustra ?
L'entreprise a embauché 20 nouveaux CDI en 5 ans : des postes peu qualifiés (emballage) mais aussi des postes plus qualifiés (graphisme, design, internet...)
6. Pourquoi Joustra crée encore de l'emploi, alors que l'entreprise s'automatise ?
Les postes remplacés dans la production par des machines ont sans doute permis d'augmenter la production et la productivité, créant ainsi un besoin nouveau de main d'oeuvre dans les secteurs non automatisés
7. Quel est le produit phare de l'entreprise Vulli ? Où est il fabriqué ?
Le produit phare est Sophie la Girafe, qui est produite en France.
8. Comment Serge Jacquemer (DG de Vulli) explique t'il les difficultés chinoises ? Quelle conséquence pour les produits francais (petit bateau plastique) ?
Il y a des difficultés pour trouver de la main d'oeuvre en Chine, et des charges qui augmentent. Les coûts de production chinois augmentent et les produits francais redeviennent compétitifs (prix moins élevé).
9. Pourquoi la grande distribution jouet retourne a des produits fabriqués en France ?
La grande distribution doit pouvoir se réapprovisionner rapidement en cas de succès d'un produit. Un produit francais peut être livré en 1 mois contre 6 mois depuis la Chine. Pour ce secteur du jouet, le délai est très important dans des périodes spéciales comme Noel (avec 50% du chiffre d'affaires annuel
10. Est ce que les clients achètent du "Made in France" ?
Le reportage suggère que le côté "Made in france" est secondaire par rapport au prix (sauf quelques exceptions). Les éléments de compétitivité hors prix semblent secondaires par rapport à la compétitivité prix dans ce secteur du jouet mondialisé (et standardisé), avec des jouets encore massivement fabriqués en Chine (60% du marché).
11. Est ce que selon vous les entreprises francaises peuvent faire face aux concurrents chinois ? Proposez une liste d'arguments, tirée des exemples du reportage.
Les entreprises francaises peuvent concurrencer les entreprises chinoises, d'abord en améliorant la productivité globale des facteurs(notamment grace à l'automatisation et la formation) ce qui leur permet de réduire les prix de vente, ensuite en jouant sur des aspects hors prix importants : made in france, qualité perçue, mais aussi et surtout délai et réactivité. On remarque aussi que l'avantage en terme de compétivité-prix des chinois, qui leur a permis de produire en masse pour le monde entier, est en train de s'effriter avec des charges en augmentation et des coûts cachés croissants (recrutement de la MO, mais aussi qualité des infrastructures).
Temps de travail estimé : 60 minutes
23. Avantages et inconvénients des échanges internationaux (pour les producteurs comme pour les consommateurs).
L'idée générale de cette partie est la suivante : le libre- échange, absence d'entraves aux échanges entre nations, permettrait une spécialisation harmonieuse des nations sur les produits et services où existe un avantage comparatif, avec de nombreux effets positifs. Mais le bilan pour les nations en développement comme pour les nations développés n'est pas aussi positif qu'il n'y parait, ce qui réactive les discours protectionnistes (limitation de la concurrence extérieure pour préserver les activités et industries nationales, voir partie III).
Spécialisation : la nation (ou l'individu, dans le cas de la division du travail) se consacre principalement à un domaine d'activité dans lequel elle dispose d'un avantage spécifique, qu'elle peut ensuite accroitre. (V1)
24. La doctrine du libre - échange
Définition libre- échange
Théorie et politique commerciale qui consiste à supprimer toute les barrières à l'échange international (droits de douanes, quotas, règlementations techniques), et à promouvoir la spécialisation internationale
Des théories justifient le commerce international en raison des différences internationales de coûts de production (ou de disponibilités) des produits : ce sont les approches d'Adam Smith , de Ricardo et du modèle HOS (Heckscher, 1919, Ohlin 1933 et Samuelson, 1948), confirmées par les études de Léontieff (paradoxe résolu, 1953- 1956). (V1)
25. Smith (1723- 1790) et les avantages absolus
Smith est un économiste libéral qui s'oppose aux idées mercantilistes (ces économistes considéraient qu'il fallait aider les marchands nationaux et handicaper les marchands étrangers pour accroître la richesse des Nations). Le libre- échange, sans barrières entre les Nations, serait, avec la division du travail, la véritable cause de la richesse des Nations (« Recherches sur la nature et sur les causes de la Richesse des Nations », 1776).
Une nation dispose d'un avantage absolu pour un bien s'il peut le produire de manière plus efficace (c'est à dire, à un coût moindre que les autres nations en raison d'une meilleure productivité du travail) et donc le vendre moins cher.
Une nation a intérêt à se spécialiser dans les produits pour lesquels elle dispose d'un avantage absolu, à les exporter, et à importer les autres produits qui lui sont nécessaires (puisqu'il a abandonné la production des autres biens).
La liberté des échanges devrait approfondir la division internationale du travail
Chacun se spécialisant dans le type de production où il est le plus efficace, le bien- être de l'ensemble des nations doit s'accroître puisque tous les nations s'approvisionnent à moindre coût (importations à moindres coûts).
Par ailleurs, la division du travail accroît les relations d'interdépendance et de complémentarité entre nations, évitant ainsi les tensions guerrières (cf. Théorie du « doux commerce » de Montesquieu, déjà vue).
C'est l'avantage absolu dans la production d'un bien qui détermine la spécialisation de chaque nation. Si une nation n'a aucun avantage absolu, il est exclu du commerce international (mais cela reste très improbable, selon Smith ). (V1)
26. David Ricardo (1772- 1823) et la « loi » des avantages comparatifs
Ricardo a montré que le commerce international est favorable à deux nations même dans le cas où l'un des deux ne dispose d'aucun avantage absolu (il corrige et améliore ainsi la théorie de Smith ). Il suffit pour que l'échange soit profitable à tous, que chacun se spécialise dans les productions pour lesquelles il dispose d'un avantage comparatif fort ou d'un désavantage comparatif le plus faible possible.
Définition Avantages comparatifs
Selon cette théorie du commerce international, proposée par David Ricardo (1772- 1823), les pays gardent un intérêt à se spécialiser, même s'ils ne disposent pas d'un avantage absolu (cf. Smith ). En effet, même dans ce cas, le pays « meilleur en tout » gagne à échanger, car consacrant plus de temps et de ressources à sa production forte, il est capable ensuite d'acheter au pays « faible », de plus grandes quantités de biens et services, tandis que le pays « faible » trouve dans l'échange international, un débouché appréciable pour sa production. A l'échelle internationale ce principe explique l'existence d'échange interbranches.
Chaque nation a intérêt à se spécialiser dans les produits pour lesquels l'écart en termes de coût de production (aujourd'hui, on raisonne plutôt en terme d'écart de productivité) est le plus élevé à son avantage ou le moins important à son désavantage.
Selon l'exemple canonique de Ricardo , admettons qu'avec une heure de travail, on produise les quantités suivantes : Angleterre 10 mètres de drap et 100 litres de vin, Portugal 20 mètres de drap et 300 litres de vin.
Selon - Smith , l'Angleterre qui ne dispose d'aucun avantage absolu ne peut échanger ici avec le Portugal, et doit être exclu de l'échange. Ricardo montre que, au contraire, chacun a intérêt à se spécialiser dans la production pour laquelle il dispose du plus grand avantage comparatif ou du moins grand désavantage : ici le drap pour l'Angleterre et le vin pour le Portugal.
En effet, l'Angleterre peut avec 10 mètres de drap (donc 1 heure de travail) se procurer plus de vin au Portugal que chez elle (150 litres, c'est à dire la moitié d'une heure de travail- vin- Portugal, contre 100 litres) : elle a donc intérêt à se spécialiser dans la production de drap qu'elle exportera en partie contre des importations de vin du Portugal.
De même, le Portugal avec 300 litres de vin peut se procurer plus de draps en Angleterre que chez lui (30 mètres, c'est- à- dire 3 heures de travail- draps- Angleterre contre 20 mètres). Les deux nations ont donc intérêt à se spécialiser (à consacrer la totalité de leur travail aux activités les plus productives) et à échanger. (V1)
27. Avantages comparatifs et métaphore de Samuelson
Une métaphore célèbre de Paul Samuelson permet de bien comprendre le mécanisme. Soit un avocat très bien payé pour ses compétences juridiques, qui de surcroît maîtrise parfaitement la dactylographie. Doit- il pour autant se passer d'une secrétaire ? Non, bien sûr, car le temps passé aux études juridiques, qu'il ne passe pas sur ses activités dactylographiques, lui rapporte beaucoup plus (y compris de quoi payer la secrétaire, qui y trouve aussi son compte).
Deux conséquences positives principales :
La production totale va s'en trouver stimulée car chaque nation va importer de l'étranger ce qui est relativement meilleur marché et réciproquement. Le libre- échange se révèle donc largement préférable à l'autarcie selon Ricardo .
On devrait voir se développer un échange de complémentarité, un échange inter branches entre les nations (par exemple, Nord- Sud, produits manufacturés contre produits primaires). (V1)
28. Critiques de la loi des avantages comparatifs de Ricardo
Il y a plusieurs hypothèses très discutables et non réalistes dans ce raisonnement (pourtant encore pilier des théories dominantes aujourd'hui) : Ricardo se place dans un cadre irréaliste qui ressemble beaucoup à celui de la concurrence pure et parfaite (proposée plus tard par les néo- classiques, cf. Franck Knight en 1921), mais avec une approche exclusivement bilatérale.
Il ne pose l'existence que d'un seul facteur primaire par nations (donc le travail)
Les coûts de production sont fixes dans le modèle (c'est à dire, totalement indépendants de l'échelle de production et des effets externes !).
L'hypothèse de spécialisation suppose à la fois une immobilité des facteurs de production (plausible pour le facteur travail, sensible aux attaches géographiques et culturelles, beaucoup plus discutable pour le capital : dit autrement, les capitaux anglais ont tout intérêt à s'installer au Portugal pour fabriquer des draps dans une logique de délocalisation !) et un transfert instantané de la main d'oeuvre d'une activité à l'autre (ce transfert interne qui suppose des coûts d'ajustement ou coûts de reconversion et de formation, ne va pourtant pas de soi !).
Cette théorie suppose aussi que les techniques de production sont différentes d'une nation à l'autre (d'où les différences de productivité du travail), ce qui expliquerait la différence de coûts de production. Ainsi, elle peut expliquer l'échange entre nations de niveau de développement différent (échanges interbranches entre PDEM et PED). Mais que se passe- t- il en cas de transferts technologiques ? (V1)
29. La théorie des dotations factorielles d'Elie Heckcher (dès 1919), Bertil Olhin (1933) et Paul Samuelson (1948)
Définition Dotation factorielle
Quantité et proportion plus ou moins importante, de facteurs de production (terre, capital et travail) disponibles dans un pays. Le théorème HOS considère que cela explique les différentes spécialisations des pays.
Cette théorie des dotations factorielles, prolonge et complète celle de Ricardo dans l'environnement théoriquement plus rigoureux de la concurrence parfaite (rendements d'échelle constants, mobilité des facteurs sans coûts d'ajustement à l'intérieur de chaque nation, prix totalement flexibles...).
Elle cherche à expliquer l'échange international par l'abondance ou la rareté relative des divers facteurs de production dont sont dotées les nations (en niant l'existence d'une différence technologique, au contraire de Ricardo ). Une nation doit se spécialiser et donc exporter les produits, qui demandent les facteurs de production pour lesquels il est le mieux pourvu (c'est donc la dotation initiale en capital ou travail qualifié et non qualifié, qui explique l'avantage comparatif et non les différences de techniques, comme chez Ricardo ).
Dans les années 60- 70, les PED se spécialisaient dans la production de produits primaires intensif dans le facteur dont ils sont relativement mieux dotés (matières premières, produits agricoles...).
Aujourd'hui, ils se spécialisent davantage dans la production de biens manufacturés exigeant beaucoup de main d'oeuvre tandis que les PDEM se spécialisent dans la production plus intensive en capital (technologies de pointe).
La sur - utilisation du facteur abondant devrait se traduire par une hausse de son prix. On devrait donc à priori, à long terme (et avec des facteurs immobiles en international), obtenir une égalisation des rémunérations des facteurs de production à l'échelle mondiale (convergence)
Ce processus de convergence n'est pas forcément linéaire car il doit tenir compte de la dynamique des prix relatifs. Si le facteur très demandé voit son prix augmenter, le facteur moins demandé est plus utilisé, et dans une logique de productivité marginale décroissante, voit sa rémunération réelle décroître (cas théorique du travail non qualifié dans les nations développés).
On peut donc assister à un accroissement des inégalités de rémunération entre facteurs à l'échelle internationale, notamment entre travail qualifié et travail non qualifié (voir théorème de Stolper- Samuelson).
On peut adresser à ce modèle théorique les mêmes critiques qu'à celui de Ricardo .
De fait, les échanges internationaux principalement entre PDEM, sont loin d'être des échanges inter- branches et certaines nations sont de plus en plus exclus, alors même qu'ils sont bien dotés (notamment en ressources naturelles).
Surtout ce modèle postule une immobilité internationale des facteurs de production et une mobilité interne sans coûts d'ajustement (ce qui n'est plus soutenable sérieusement aujourd'hui) (V1)
30. Le paradoxe de Leontief
Partant du fait que les États- Unis étaient en principe mieux dotés en capital que le reste du monde, Leontief (prix Nobel 1973) calcule à l'aide de la matrice input- output, les contenus en travail et en capital des exportations et importations américaines pour l'année 1947.
Or, les résultats obtenus montrent l'inverse de ce qui était attendu. C'est un paradoxe : les États- Unis exportent des biens qui nécessitent beaucoup de travail et importent des biens relativement capitalistiques.
Plusieurs explications ont été avancées :
Présence de coûts de transport et de droits de douane
Présence d'un troisième facteur de production : les ressources naturelles, et sous- estimation du capital américain
Très forte productivité des travailleurs. Cette dernière explication est retenue le plus souvent : en fait les USA disposeraient d'un avantage comparatif dans la qualité de leur main d'oeuvre
(Texte, d'après Problèmes Economiques)
(V1)
31. Approches théoriques contemporaines
Comment expliquer les échanges intra- branches entre nations ? Les théories traditionnelles permettent d'expliquer le développement des échanges entre produits différents dans un monde de concurrence parfaite. Beaucoup d'échanges portent pourtant sur des produits similaires (Renault contre Fiat...) et ont lieu entre nations disposant d'une dotation en facteurs de production proches. Ceci est absolument non conforme à la théorie des avantages comparatifs par dotations factorielles. (V1)
32. La théorie du cycle de vie de Raymond Vernon (1966)
Raymond Vernon s'inscrit dans une explication du commerce international qui est fondée sur les différences internationales de technologies (et non du coût de production), dans un environnement de concurrence non pure et parfaite. L'approche du cycle de vie du produit explique qu'un produit suit différentes étapes :
Le produit est d'abord lancé, en phase de démarrage (ce qui suppose une faible diffusion, des productions en courtes séries, un travail qualifié, et peu de capitaux)
Le produit est en croissance (production en série, apparition de concurrents)
Le produit est en phase de maturité (la concurrence s'exerce par les prix, l'utilisation du capital augmente, certaines entreprises disparaissent)
Le produit est en phase de sénescence (peu à peu, la production est abandonnée)
A chacune de ces étapes, la stratégie d'exportation des firmes n'est pas la même (et donc les flux de commerce international). (V1)
33. Les préférences des consommateurs selon Linder (1960)
Selon Linder (1960), le volume du commerce entre deux nations dépend en fait des préférences des consommateurs côté demande (et non des avantages comparatifs, côté offre). La similitude des fonctions de demande des nations qui échangent détermine la part dans le revenu national du volume des biens manufacturés échangés. Plus le revenu par tête des nations est proche, plus l'intensité du commerce entre les deux nations sera élevée.
En 2014, au sein de l'UE les échanges intra- banches représentent ainsi 65% des échanges, en forte progression. Cependant, entre l'UE et l'extérieur, les échanges interbranches représentent autour de 70- 75% des échanges (source : CEPII), notamment en raison de l'importance croissante dans le commerce international, de nations comme la Chine et l'Inde.
Les entreprises prennent en compte les caractéristiques de la demande : diversification des goûts des consommateurs qui engendre une différenciation des produits. La concurrence ne porte plus alors sur les prix mais sur la qualité, l'apparence (couleur, options...) : on passe alors en concurrence imparfaite et le modèle HOS n'est plus applicable.
D'une certaine manière, l'échange intra- branche aut- contre auto, serait en fait un échange interbranche marque 1 contre marque 2. (V1)
34. Les théories de la concurrence imparfaite (Krugman)
Les théories contemporaines de la concurrence imparfaite et de la politique commerciale stratégique (Paul Krugman, dès les années 80) prennent en compte les critiques d'irréalisme adressées aux théories traditionnelles (source web : Problèmes Economiques)
La concurrence imparfaite se caractérise par l'existence de barrières à l'entrée, des rendements croissants (situation où la production augmente plus que proportionnellement aux facteurs de production) ou de surprofits liés à des positions de monopole.
Les économies d'échelle (baisse du coût unitaire quand la production augmente) donnent ainsi un avantage déterminant aux entreprises qui atteignent les premières la taille optimale (Exemple : Boeing face à Airbus). Cette dernière permet de différencier les gammes (pour cibler un type de clientèle) et d'amortir les dépenses de recherche et de développement (V1)
35. La différenciation de produits
Il y a différenciation horizontale entre produits de même qualité, mais aux caractéristiques réelles ou perçues différentes
Il y a différenciation verticale quand les produits sont de qualités différentes.
Les entreprises premières arrivées peuvent pratiquer des prix bas et laminer les profits des autres firmes entrantes (barrière à l'entrée). Dès lors, les nations dont les firmes ne seraient pas compétitives seront obligées d'importer des biens et vont prendre un retard technologique cumulatif. (V1)
36. La politique commerciale stratégique
C'est pourquoi les entreprises et les nations sont incitées à tout faire pour faire perdurer cet avantage ou à le conquérir. La politique commerciale stratégique consiste donc à chercher à éliminer son concurrent afin de récupérer ses débouchés et renforcer son pouvoir de monopole.
Un autre exemple de protection est lié aux externalités d'apprentissage.
L'ouverture internationale peut amener une nation à se spécialiser dans un secteur dont la productivité est supérieure à celle observée ailleurs. Toutefois, cette efficacité peut être de court terme et ne pas tenir compte de l'efficacité dynamique, c'est- à- dire incluant les externalités d'apprentissage, gage d'une croissance élevée à long terme.
Une fois entré dans cette spécialisation, la nation connaîtra une faible croissance. Pour abandonner ces mauvais secteurs et permettre la reconversion vers le ou les bons secteurs, la nation devra se mettre à l'abri de la concurrence et recourir à une politique de subventions. C'est une nouvelle justification de la protection.
Il faut retenir comme principaux apports de ces nouvelles théories
Que toutes les spécialisations ne se valent pas : la question essentielle est celle de l'adaptation de ses produits à la demande mondiale. Il faut que la nation puisse se spécialiser dans des produits dont la demande mondiale est en forte croissance. Il faut aussi de préférence se spécialiser dans des produits à rendements croissants.
Que l'avantage comparatif se construit. Fragile, il ne constitue pas une donnée immuable. Dès lors, ces modèles théoriques peuvent justifier une intervention de l'Etat (pour orienter vers une bonne spécialisation et éviter des impasses ou des effets de dépendance à la trajectoire)
(V1)
37. Récapitulation : les avantages attendus du libre- échange : croissance, production et consommation
La division internationale du travail et la spécialisation doivent théoriquement permettre de produire davantage et mieux. On peut avancer au moins 4 arguments pour justifier le gain à l'échange par rapport à l'autarcie, relevant des approches en concurrence parfaite (Smith , Ricardo , Hecksher- Ohlin) comme en concurrence imparfaite (Krugman). (V1)
38. Avantages du libre échange : La baisse attendue des coûts de production
D'après Smith - Ricardo - HOS (concurrence parfaite), la spécialisation débouche sur une baisse des coûts de production et des prix de vente, donc sur une augmentation de la production (la demande augmente quand le prix baisse).
La spécialisation facilite l'obtention des gains de productivité dans les unités de production, et donc diminue les coûts unitaires.
Les producteurs peuvent se procurer leurs fournitures à moindre coût par l'importation.
Cette progression de la production (effet capacité) peut être source à son tour d'économies d'échelle, et par suite de nouvelles baisses de prix, d'augmentation des profits, de l'investissement et de l'emploi (cf. « théorème » libéral du chancelier Schmidt). (V1)
39. Avantages du libre échange : La progression de la productivité
L'accroissement de la concurrence internationale supprime les rentes monopolistiques au détriment du consommateur, et oblige les producteurs locaux à rechercher les gains de productivité et à faire des efforts d'adaptations technologiques (en concurrence imparfaite) avec un impact :
Sur les prix (objectif de compétitivité prix). La baisse des prix favorise la consommation et la croissance.
Sur la qualité et les performances du produit ou service (objectif de compétitivité hors- prix). De manière générale, l'innovation est stimulée par la concurrence, ce qui accroît la frontière des possibilités techniques de production. Les producteurs accèdent aussi plus facilement aux technologies avancées (transferts de technologies). (V1)
40. Avantages du libre échange : L'accroissement de la variété des produits offerts
Le consommateur (en concurrence imparfaite) par importation, dispose d'une variété plus grande de produits à des prix plus bas, ce qui encourage la consommation (réponse à la demande de diversité) et accroît la satisfaction globale (progression du bienêtre, par accès à des produits et services nouveaux). (V1)
41. Avantages du libre- échange : L'accroissement des économies d'échelle et les effets de demande
L'élargissement des marchés par les exportations (demande externe) permet l'accroissement de la production
L'existence d'une demande externe facilite la diffusion de l'innovation et de ses retombées sur la croissance (c'est l'exemple en France des Trente Glorieuses et du rattrapage technologique de l'Europe sur les EU).
Constitue en soi un facteur d'accroissement de la production (nouveaux débouchés et économies d'échelle) qui peut ensuite générer un accroissement de la demande interne (revenus supplémentaires, c'est à dire salaires et profits rapatriés, tirés de l'exportation). (V1)
42. Les limites du libre échange
: les risques de la spécialisation
L'abandon des anciennes spécialisations productives nécessite un effort important de reconversion et de formation (cf. processus de destruction créatrice de Schumpeter). Or tous les salariés ne sont pas également « reconvertibles ». Le coût social d'une reconversion est très important.
La reconversion peut prendre la forme d'une délocalisation (déplacement d'une activité de production du territoire national vers l'étranger) avec un impact sensible sur le niveau d'emploi national
Définition Délocalisation
Déplacement géographique des unités de production à la recherche de meilleures perspectives de profit (plus faibles coûts de production, proximité des sources énergétiques et de matières premières, cadre réglementaire et fiscal plus favorable, proximité d'un débouché, etc.).
Encouragées par la diminution des frais de transport et des droits de douane, les firmes multinationales (FMN) repensent ainsi segment par segment le processus de production, ce qui modifie la division internationale du travail (DIT) pour la transformer en une décomposition internationale des processus productifs (DIPP), où chaque étape de la production est localisée à l'endroit optimal
De plus, la pression concurrentielle des nations à bas coût salarial peut entrainer une réduction des salaires locaux.
Toutes les spécialisations ne se valent pas (comme le soulignent les théoriciens contemporains, cf. plus haut). Les niveaux de productivité imposent en théorie un type de spécialisation, or la dynamique de demande (et donc le niveau de valeur ajouté) n'est pas la même selon les produits (le cours des matières premières est ainsi extrêmement volatil). Exemple : http://www.insee.fr/fr/bases- de- donnees/bsweb/serie.asp?idbank=000455735 (V1)
48. Doctrine du protectionnisme
Définition protectionnisme
Théorie et politique commerciale qui consiste à mettre en place des barrières aux importations (droits de douanes, quotas ou contingentements, règlementations techniques ou sanitaires, normes diverses, etc.) de façon à protéger des industries déclinantes et moins compétitives, ou à favoriser (temporairement selon List) l'émergence de nouvelles industries
Le protectionnisme repose sur l'application de mesures visant à favoriser les activités productives nationales (et donc les exportations) et à pénaliser la concurrence étrangère (et donc les importations) au vu des risques supposés de l'ouverture internationale.
Rappels : perte d'autonomie et d'indépendance nationale, pression à la baisse sur les salaires et l'emploi, désindustrialisation... (V1)
49. Les instruments du protectionnisme : barrières tarifaires
Il y a deux types principaux d'instruments protectionnistes
Les barrières tarifaires : l'autorité locale frappe les produits et services importés d'une taxe proportionnelle (ad valorem) ou forfaitaire (en fort recul suite à l'action du GATT)
Le droit de douane est une taxe prélevée sur une marchandise importée, lors de son passage à la frontière : en rendant plus chers les produits importés, cette pratique cherche à en décourager la consommation au sein du territoire national.
Les subventions à la production nationale et aux exportateurs peuvent aussi être considérées comme des barrières tarifaires.
Il y a enfin les stratégies délibérées d'affaiblissement de la monnaie nationale, de façon à bénéficier d'un avantage de change (même s'il est difficile de les classer dans la catégorie barrière tarifaire). (V1)
50. Les instruments du protectionnisme : barrières non tarifaires
Les barrières non tarifaires : mesures indirectes dissuadant l'importation (en progression depuis 1980)
"Les barrières non tarifaires recouvrent un ensemble de mesures réduisant les quantités importées (restrictions quantitatives cibles privilégiées du GATT) :
Quotas fixant le volume d'importations autorisées (exemple du textile chinois en Europe jusqu'au 1er janvier 2006, date de la fin des accords multi fibres AFM, ou encore contingentement des automobiles japonaises auparavant),
Interdictions et réglementations contraignantes sur certains produits spécifiques
Il existe aussi un ensemble de barrières non tarifaires plus discrètes :
Marchés publics fermés à la concurrence étrangère
Formalités administratives rendues volontairement plus compliquées
Normes de consommation d'ordre sanitaire plus ou moins fondées : obligation particulière d'information sur les OGM, crise de la vache folle ou de la grippe aviaire prétexte à un blocage d'importation, présence ou non d'hormones, etc.
Normes techniques nationales liées à une tradition et constituant de fait une barrière à l'entrée pour les concurrents étrangers (comme par exemple la taille de l'écartement des prises électriques, des rails de chemins de fers, etc.). L'une des missions principales de la Commission Européenne, est d'arriver par voie de directives, à l'harmonisation des exigences techniques entre nations européens, de façon à favoriser la concurrence interne. (V1)
51. Protectionnisme offensif et temporaire, pour les nations en développement (List)
Le protectionnisme peut être provisoirement considéré comme nécessaire pour les PED (protectionnisme offensif et éducateur). L'économiste allemand Friedrich List (1789- 1846, « Système national d'économie politique » en 1841), a défendu l'idée d'un protectionnisme temporaire et limité aux industries naissantes ou dans l'enfance des PE- Cette démarche sera reprise par l'Allemagne de Bismarck à la fin du 19ème siècle, et est réétudiée aujourd'hui par des économistes européens (par exemple, M. G. De Bernis ou Jacques Sapir).
Pour List, ces industries ne peuvent lutter à armes égales avec les industries des nations développées (les écarts de productivité liés à des techniques de production différents expliquent les écarts de compétitivité entre PD et PED) et, pour éviter leur disparition, il est nécessaire de les mettre à l'abri de la concurrence.
Il s'agit d'un protectionnisme offensif, éducateur, sélectif et provisoire, destiné à permettre aux PED d'atteindre le même degré de compétitivité que les autres nations avant de se lancer dans la compétition mondiale (engranger des économies d'échelle et bénéficier de gains d'apprentissage de façon à diminuer le coût moyen de production en dessous du coût mondial). D'une certaine manière, Paul Krugman n'a fait ainsi que retrouver des résultats énoncés par F. List au 19ème. (V1)
52. L'exemple de la Corée du Sud
Les NPI d'Asie du sud- est ont mis en oeuvre un protectionnisme éducateur. Dans le cas de la Corée du sud, le marché intérieur de certains produits a été protégé le temps que l'industrie nationale soit compétitive. Puis dans un second temps, celle- ci se lançait dans l'exportation.
Les recettes d'exportation permettaient ensuite de payer les importations nécessaires à l'équipement de nouveaux secteurs et à leur développement (politique de remontée des filières et de substitution d'exportations). (V1)
54. Le renouveau des thèses protectionnistes dans les nations développées (protectionnisme défensif, Kaldor)
Dans les nations développées (et occidentales), le libre-échange est accusé d'aggraver le chômage et les inégalités salariales. On cherche donc des solutions pour se protéger.
Le protectionnisme défensif a pour objectif de protéger des industries vieillissantes, menacées par des industries plus compétitives et plus modernes (éventuellement le temps d'assurer une transition sociale et technique). Bien souvent on accuse les entreprises étrangères de pratiquer du dumping. (V1)
55. Le dumping commercial
? Les entreprises occidentales seraient ainsi confrontées à des pratiques de dumping commercial (vente à perte) de la part d'entreprises occidentales disposant d'un marché protégé. C'est par exemple, le grief principal fait à l'industrie culturelle américaine qui s'appuie sur un large marché intérieur pour rentabiliser ses productions, qu'elle diffuse ensuite à prix cassés dans le reste du monde, de façon à détruire toute les industries culturelles locales concurrentes. (V1)
56. Le dumping social
D'autres entreprises occidentales sont confrontées à des pratiques de dumping social (faibles coûts de main d'?uvre) : leurs concurrents s'appuient sur une main d'?uvre non protégée et peu coûteuse dans les nations en développement pour proposer des produits à prix cassés. C'est ainsi que le secteur textile français a été laminé par la concurrence de firmes installées dans le Maghreb, avant qu'à leur tour ces entreprises soient laminées par les entreprises chinoises. On accuse les firmes étrangères de ne pas respecter les préconisations minimales de l'OIT (l'Organisation Internationale du Travail : liberté d'association, interdiction du travail forcé et du travail des enfants, absence de discrimination raciale ou de genre, sur le lieu de travail). (V1)
57. Le dumping monétaire
Reste enfin une dernière forme de dumping : le dumping monétaire qui consiste à profiter d'une monnaie plus faible, assurant des prix de vente compétitif à l'exportation (mais alourdissant le prix des importations). C'était une stratégie souvent utilisée par la France et l'Italie dans les années 60-70 : en procédant à des dévaluations périodiques, ces Etats redonnaient un avantage à leurs entreprises confrontées aux efficaces entreprises allemandes. C'est aujourd'hui la stratégie de la Chine, qui profite manifestement d'un Yuan sous-évalué. (V1)
58. Le lien supposé entre libre-échange et chômage : les délocalisations
Les écarts de coûts de production entre PDEM et PED s'expliquent essentiellement par des écarts de salaires (jusqu'à 30 fois moins quand on compare la France et la Chine). Cet écart est du à deux facteurs principaux :
- L'excès d'offre de travail dans les PED, associé à l'explosion démographique
- La moindre capacité des syndicats (quand ils existent) à peser sur le partage de la VA. A contrario, leur action en Corée du Sud a permis une élévation du niveau de vie de salariés (et donc des coûts salariaux).
Cet écart, qui donne un avantage en termes de compétitivité prix, est aussi un puissant motif de délocalisation. Une entreprise multinationale est tentée de fermer les unités de production nationales, et de faire produire à l'étranger pour un coût moindre, pour ensuite importer les biens fabriqués. (V1)
59. Un bilan destruction-création d'emplois incertain
La destruction d'emplois dans le secteur directement concurrencé par les importations étrangères (exemple des délocalisations dans le textile ou les biens d'équipement ménagers) est supérieure à la création d'emplois entraînée par les exportations (exemple de l'aéronautique) selon la plupart des études empiriques
- Le premier secteur est à faible intensité capitalistique par rapport au second. De sorte que si effectivement, les nations qui nous vendent des T-shirts achètent des Airbus avec ce revenu (argument libéral de M. Madelin, justifiant le libre-échange), le contenu en emploi de la transaction n'est pas identique.
- Il faudrait aussi inclure dans le raisonnement libéral, le coût social des reconversions et le risque stratégique lié à la perte de savoirs faire. Le protectionnisme serait alors un bon moyen de préserver l'indépendance nationale (énergie, armement, etc.). C'est le discours dominant actuellement, et tenu par le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg en 2014 (qui s'inspire aussi du concept de « démondialistaion » proposé par le brésilien Walden Bello : orienter la production vers le marché domestique, privilégier la production locale sur les importations).
- On comptait 5.5 millions d'emplois dans l'industrie fin 1977, contre 3.26 millions fin 2012 (désindustrialisation, en partie imputable à l'échange international).
Le maintien de la compétitivité - prix dans un environnement concurrentiel international avec dumping, n'est alors possible qu'avec un effort de productivité très important, pouvant entraîner pertes d'emplois et recul des garanties sociales dans les PDEM.
(V1)
60. Le lien supposé entre libre-échange et inégalités salariales
La concurrence entre entreprises des PDEM se traduit par la recherche des coûts les plus bas et des gains de productivité les plus élevés, ainsi qu'une forte pression sur les marges des sous-traitants. Le phénomène est renforcé par les exigences des actionnaires dans un système de plus en plus désintermédié, qui pousse à la recherche de rentabilité rapide (taux exigée au-delà de 10%, afin de permettre une distribution rapide de dividendes et des plus-values faciles).
Ainsi, l'écart se creuse entre les salaires des actifs non-qualifiés exposés à la concurrence internationale, engagés dans un processus d'alignement vers le bas, et ceux des actifs des secteurs compétitifs valorisés et demandés (salariés « stars » et managers de haut niveau qui peuvent monnayer leurs compétences) ou protégés par un statut (fonctionnaires).
(V1)
61. Une limite du protectionnisme : les représailles
Le protectionnisme n'est pas une panacée. Ce « remède » peut parfois être pire que le mal. Il peut d'abord, y avoir des mesures de représailles, rétorsion, de la part des autres nations, d'où une baisse des exportations, et par suite de la croissance économique et de l'emploi (perte de débouchés). Les gains dans les secteurs protégés seraient alors annulés par des pertes dans d'autres secteurs. Cette spirale de repli sur soi peut aussi déboucher très vite sur des tensions internationales, comme en 1939, ou comme en 2014 entre Chine et Japon. (V1)
62. Une limite du protectionnisme : la question de la compétitivité
Les mesures de protection pourraient affecter la compétitivité prix et hors-prix (l'effort de R&D) des entreprises situées sur le territoire national par trois canaux différents :
- Les FMN installées en France et produisant à partir de produits fournis par leurs filiales installées à l'étranger seraient pénalisées (renchérissement des coûts de production)
- La protection peut entraîner une baisse de la production, donc une diminution des économies d'échelle, et des coûts relatifs de production en hausse.
- Les entreprises protégées sont peu poussées à innover et peu stimulées par la concurrence internationale (exploitation de la rente artificielle de monopole), et donc feraient moins d'efforts de productivité et d'innovation. La hausse des prix (des produits protégés) qui en découle forcément, pénalise les consommateurs, leur pouvoir d'achat et leur niveau de vie. Par ailleurs, la baisse de pouvoir d'achat entraînerait une baisse de demande pour certains autres produits du territoire national. Enfin, la gamme des produits offerte aux consommateurs (le choix, la diversité) sera fortement réduite, tandis que les composants à destination des producteurs seraient réduits.
(V1)
63. Une réglementation du libre-échange plutôt qu'un repli sur soi
La question dominante est aujourd'hui celle de la réglementation nécessaire du libre-échange, plutôt que celle du refus du libre-échange. On pense ainsi que l'on peut laisser une large ouverture encadrée, pour bénéficier des gains, mais il faut encore ensuite organiser une redistribution de ceux-ci vers les catégories défavorisées (mais cela ne va pas de soi, dans un contexte de non consentement à l'impôt).
Le recul de l'histoire montre qu'il y a des successions de phases libre-échangistes et de phases protectionnistes (cf. tableau d'après T. Blanchet) :
19ème : Protectionnisme et croissance. Allemagne, R.U. jusqu'en 1846--1873 - 1896 & Entre deux guerres (1929) : Protectionnisme et crise--1945 - 1973 : Libre-échange et croissance--1973 - aujourd'hui : Libre-échange et crise. (V1)
Faire un QCM automatique sur le thème
Temps de travail estimé : 20 minutes
Etudier les documents typiques sur ce thème
Temps de travail estimé : 45 minutes Doc. 1 Le texte fondateur d'Adam Smith sur les avantages absolus
[...] Accorder aux produits de l'industrie nationale, dans un art ou dans un genre de manufacture particulier, le monopole du marché intérieur, c'est en quelque sorte diriger les particuliers dans la route qu'ils ont à tenir pour l'emploi de leurs capitaux et, en pareil cas, prescrire une règle de conduite est presque toujours inutile ou nuisible. (…) La maxime de tout chef de famille prudent est de ne jamais essayer de faire chez soi la chose qui lui coûtera moins à acheter qu'à faire. Le tailleur ne cherche pas à faire ses souliers, mais il les achète du cordonnier; le cordonnier ne tâche pas de faire ses habits, mais il a recours au tailleur; le fermier ne s'essaye à faire ai les uns ni les autres, mais il s'adresse à ces deux artisans et les fait travailler. Il n'y en a pas un d'eux tous qui ne voie qu'il y va de son intérêt d'employer son industrie tout entière dans le genre de travail dans lequel il a quelque avantage sur ses voisins, et d'acheter toutes les autres choses dont il peut avoir besoin, avec une partie du produit de cette industrie, ou, ce qui est la même chose, avec le prix d'une partie de ce produit.
Ce qui est prudence dans la conduite de chaque famille en particulier, ne peut guère être folie dans celle d'un grand empire. Si un pays étranger peut nous fournir une marchandise à meilleur marché que nous ne sommes en état de l'établir nous-mêmes, il vaut bien mieux que nous la lui achetions avec quelque partie du produit de notre propre industrie, employée dans le genre dans lequel nous avons quelque avantage.
L'industrie générale du pays étant toujours en proportion du capital qui la met en œuvre, elle ne sera pas diminuée pour cela, pas plus que ne l'est celle des artisans dont nous venons de parler; seulement, ce sera à elle à chercher la manière dont elle peut être employée à son plus grand avantage. Certainement, elle n'est pas employée à son plus grand avantage quand elle est dirigée ainsi vers un objet qu'elle pourrait acheter à meilleur compte qu'elle ne pourra le fabriquer. (…)
Par conséquent, l'industrie nationale est détournée d'un emploi plus avantageux, pour en suivre un qui l'est moins, et la valeur échangeable de son produit annuel, au lieu d'être augmentée, suivant l'intention du législateur, doit nécessairement souffrir quelque diminution à chaque règlement de cette espèce. [...]
Source : Adam smith, Adam Smith (1776), Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. Traduction française, 1881 par Germain Garnier, à partir de l'édition revue par Adolphe Blanqui en 1843. Livre IV "Des systèmes d'économie politique", Chapitre 2 "Des entraves à l'importation seulement des marchandises qui sont de nature à être produites par l'industrie" page 34 http://classiques.uqac.ca/classiques
1. Que signifie « Accorder aux produits de l'industrie nationale, dans un art ou dans un genre de manufacture particulier, le monopole du marché intérieur » ?
Smith désigne par ces termes, la politique protectionniste (qui consiste à frapper les produits étrangers d'une taxe douanière pour les renchérir, ou à stopper les produits étrangers)
2. Expliquer le principe de division du travail, appliqué au chef de famille.
Chacun se spécialise dans une activité où il a quelque talent, et se procure le reste auprès des autres par l’échange. Smith adopte une approche individualiste, en raisonnant à partir d'un individu puis en élargissant à une Nation entière.
3. Pourquoi le principe de division du travail est il avantageux, selon Smith ?
Parce que cela permet de se procurer plus de marchandises, moins couteuses, auprès des autres.
4. Quelle est la conséquence positive pour un pays qui se spécialise dans une production où il dispose d’un avantage ?
Il peut se procurer les marchandises meilleur marché, auprès des autres pays, et dispose d'un pouvoir d'achat plus grand
5. Pourquoi Smith est il contre une politique protectionniste (entravant le recours à l’échange international, par exmeple avec des taxes douanières)
Smith est contre une politique protectionniste parce que l’industrie nationale serait détournée d’un emploi plus avantageux, et les marchandises seraient alors plus chères
6. Que se passe-t-il si un pays ne dispose d'aucun avantage, selon Smith ?
Dans ce cas, le pays doit renoncer à l’échange international, et rester en autarcie (puisqu'il n'a rien d'interessant à offrir aux autres pays, qui lui permettrait en retour de s'offrir des produits étrangers).
Doc. 2 Le texte fondateur de David Ricardo sur les avantages comparatifs
[...] L’Angleterre peut se trouver dans des circonstances telles qu’il lui faille, pour fabriquer le drap, le travail de cent hommes par an, tandis que, si elle voulait faire du vin il lui faudrait peut-être le travail de cent vingt hommes par an : il serait donc de l’intérêt de l’Angleterre d’importer du vin, et d’exporter en échange du drap. [...]
En Portugal, la fabrication du vin pourrait ne demander que le travail de quatre vingt hommes pendant une année, tandis que la fabrication du drap exigerait le travail de quatre-vingt-dix hommes. Le Portugal gagnerait donc à exporter du vin en échange pour du drap.
Cet échange pourrait même avoir lieu dans le cas où on fabriquerait au Portugal l’article importé à moindres frais qu’en Angleterre. Quoique le Portugal pût faire son drap en n’employant que quatre-vingt-dix hommes, il préférerait le tirer d’un autre pays où il faudrait cent ouvriers pour le fabriquer, parce qu’il trouverait plus de profit à employer son capital à la production du vin, en échange duquel il obtiendrait de l’Angleterre une quantité de drap plus forte que celle qu’il pourrait produire en détournant une portion de son capital employée à la culture des vignes, et en l’employant à la fabrication des draps. [...]
Dans ce cas, l’Angleterre donnerait le produit du travail de cent hommes en échange du produit du travail de quatre-vingts. Un pareil échange ne saurait avoir lieu entre les individus du même pays. On ne peut échanger le travail de cent Anglais pour celui de quatre-vingts autres Anglais ; mais le produit du travail de cent Anglais peut être échangé contre le produit du travail de quatre vingt Portugais, de soixante Russes ou de cent vingt Asiatiques. Il est aisé d’expliquer la cause de la différence qui existe à cet égard entre un pays et plusieurs : cela tient à l’activité avec laquelle un capital passe constamment, dans le même pays d’une province a l’autre pour trouver un emploi plus profitable, et aux obstacles qui en pareil cas s’opposent au déplacement des capitaux d’un pays à l’autre. C’est pourquoi le commerce étranger, [est] très avantageux pour un pays, puisqu’il augmente le nombre et la variété des objets auxquels on peut employer son revenu, et qu’en répandant avec abondance les denrées bon marché, il encourage les économies et favorise l’accumulation des capitaux [... ].
Dans un système d’entière liberté de commerce, chaque pays consacre son capital et son industrie à tel emploi qui lui paraît le plus utile. Les vues de l’intérêt individuel s’accordent parfaitement avec le bien universel de toute la société. C’est ainsi qu’en encourageant l’industrie, en récompensant le talent, et en tirant tout le parti possible des bienfaits de la nature, on parvient à une meilleure distribution et à plus d’économie dans le travail. En même temps l’accroissement de la masse générale des produits répand partout le bien-être ; l’échange lie entre elles toutes les nations du monde civilisé par les noeuds communs de l’intérêt, par des relations amicales, et en fait une seule et grande société. C’est ce principe qui veut qu’on fasse du vin en France et en Portugal, qu’on cultive du blé en Pologne et aux États-Unis, et qu’on fasse de la Quincaillerie et d’autres articles en Angleterre. [...]
Source : David Ricardo, Principes de l’économie politique et de l’impôt, Calmann-Lévy, 1970, (1ère édition 1817) dans http://classiques.uqac.ca/classiques
Doc. 3 Les dangers du protectionnisme
Le Brésil offre une illustration frappante des pièges du protectionnisme. En 1984, le Brésil a voté une loi interdisant en pratique la plupart des ordinateurs étrangers. L'idée était d'offrir un environnement protégé où pourrait se développer l'industrie informatique brésilienne naissante. La loi était vigoureusement appliquée par une « police informatique » spéciale qui rechercherait dans les bureaux des entreprises et les salles de classe les ordinateurs importés illégalement.
Les résultats ont été stupéfiants. Technologiquement, les ordinateurs fabriqués au Brésil avaient des années de retard sur un marché mondial en évolution rapide, et les consommateurs payaient deux ou trois fois le prix mondial quand ils pouvaient les obtenir. Selon une estimation, la loi coûte aux consommateurs environ 900 millions de dollars par an. Dans le même temps, comme les ordinateurs brésiliens étaient trop chers, ils ne pouvaient lutter sur le marché mondial et les entreprises informatiques brésiliennes ne pouvaient tirer parti d'économies d'échelle pour vendre à d'autres pays. Le prix élevé des ordinateurs entamait aussi la compétitivité du reste de l'économie. [...] Le problème des ordinateurs a effectivement empêché la modernisation de l'industrie brésilienne.
L'effet combiné de la pression des consommateurs, des entreprises du Brésil et des exigences américaines en faveur de la liberté des marchés a contraint le Brésil à lever en 1992 l'interdiction portant sur les ordinateurs importés. En l'espace d'un an, les magasins d'électronique de Sâo Paulo et de Rio de Janeiro se sont remplis d'ordinateurs portables, d'imprimantes laser et de téléphones cellulaires importés, si bien que les entreprises brésiliennes ont pu commencer à exploiter la révolution informatique. Chaque pays et chaque génération réapprennent les leçons de l'avantage comparatif.
Source : Economie, Paul A. SAMUELSON, William D. NORDHAUS, 2005 (dans sujet 2015 Asie)
*La macroéconomie (terme introduit en 1933 par l’économiste norvégien Ragnar Frisch) est
l'approche théorique qui étudie l'économie à travers les relations existant entre les grands agrégats économiques,
le revenu, l'investissement, la consommation, le taux de chômage, l'inflation, etc. Cf. Wikipédia.